Le temps était
précoce cette année-là.Les bulbes de tulipes se dévoilaient
petit à petit, les jonquilles pointaient le bout du nez et
toutes les fleurs du printemps semblaient faire la fête. Le
soleil leur prodiguait tout l’amour de sa chaleur printanière. Même le vent se faisait doux et caressait cette nature en pleine
éclosion.
Le matin du
premier mai, la nature se réveilla dans toute sa splendeur. Le
soleil à peine levé chavirait les cœurs déjà debout à cette
heure. La journée s’annonçait magnifique. Et les gens savaient
bien que c’était la cueillette des bouquets de muguets. Le
muguet, délicate petite fleur à clochettes blanches ou roses,
porte-bonheur attitré depuis fort longtemps. Cette année-là,
les prés regorgeaient de cette fleur aux mille et un pouvoirs!
Mais dans les
prés tout n’allait pas pour le mieux. Une vague de querelles
persistait entres les muguets. La jalousie les rendait affreux
et non désirables. Quelle était la cause de ces querelles? Les
muguets blancs se trouvaient drôlement plus jolis que les roses
et plus attirants pour l’œil, et les muguets roses rouspétaient
en disant que le rose était plus doux pour l’œil. Mais qui
réussirait à mettre un terme à ces chicanes et permettrait aux
gens de faire leurs bouquets pour la fête du premier mai ? Car
sans ces porte-bonheur, le cœur ne serait pas à la fête.
Tout à coup,
cette nature qui s’était levée si belle le matin s’obscurcit.
Les nuages devinrent d’un noir charbon, le soleil se cacha et le
vent si doux tourna en colère. La pluie se mit à tomber en gros
grêlons froids sur cette nature à peine éveillée au printemps.
Les gens étaient stupéfaits. Ils ignoraient les querelles des
muguets!
Les muguets
étaient horrifiés. Le vent les basculaient d’un côté et de
l’autre. Leurs clochettes perdirent leurs beaux tintements.
Les blancs comme les roses devinrent tout noirs. La nature les
punissait de cette affreuse jalousie. Les muguets essayaient
tant bien que mal de se protéger de la grêle mais rien n’y
faisait. Exténués, épuisés, les muguets allaient s’éteindre
définitivement lorsqu’une petite voix plaintive se fit
entendre : « Je demande pardon de ma stupide jalousie. » Et un
à un tous les muguets demandèrent pardon. Ouf! Il s’en était
fallu de peu pour que tous les porte-bonheur s’effondrent à
jamais. Devant ce pardon collectif, la nature redonna à tous
les muguets porte-bonheur leur beauté mais en leur faisant
promettre de ne plus jamais éprouver de mauvais sentiments les
uns envers les autres car ils formaient une grande famille.
Et c’est ainsi
qu’au premier jour de mai de cette année-là, tous les gens
cueillirent leurs porte-bonheur blancs ou roses et purent faire
la grande fête du bonheur. |